Economie du digital : entre instabilité et innovation
Avant même de vous intéresser au concept de marque et comment travailler sa communication en cohérence avec ses valeurs et son identité de marque, attachons-nous à comprendre l’éclatement du marché du Digital. Une étape clé pour saisir la difficulté des entreprises à se prendre en main les nouveaux usages de la communication.
De la segmentation à l’éclatement du marché
Il suffit d’effectuer quelques requêtes sur les moteurs de recherche pour se rendre compte de la concurrence exercée au sein des différents acteurs de la communication. De très nombreuses entités occupent le terrain; entités de toute taille. A titre d’exemple, on peut relever plus de deux cents concurrents locaux sur le seul territoire bordelais, sans compter les stagiaires “experts”, les “amis qui s’y connaissent” ou les étudiants pas forcément déclarés en auto-entrepreneur qui donnent “un coup de main pour le site internet”…
Entre positionnement massif et national des “boîtes à site” (1) et le nombre extraordinaire des indépendants sur le secteur, le marché est très segmenté. En outre, le mouvement croissant du freelancing fait écho d’une part à une multiplication des formations liées au Digital qui n’est pas forcément corrélative de la réalité du marché de l’emploi durable, mais également, plus en profondeur, à la recherche d’un mode de vie et d’une relation au travail décomplexée. Dans tous les aspects de la vie, les individus sont en quête de sens, de proximité.
“Volonté d’être indépendant, volonté de prendre ses propres décisions, de monétiser la valeur travail, de choisir son temps de travail.” (2)
Faire face à « l’ère du low-cost »
Dans le domaine de la communication, une approche “middle market” ne marche pas et il est compliqué pour les petites entreprises de survivre.
Même les acteurs historiques ne peuvent parfois faire autrement que de céder aux sirènes des rachats et autres restructurations, telle La Compagnie Hyperactive, rachetée par le Groupe Cartégie. (3)
Le développement croissant du freelancing et des plateformes dédiées tendent (mathématiquement) à tirer vers le bas les prix et la qualité des prestations. Quelques pas de plus, et c’est potentiellement une véritable paupérisation des métiers de la communication qui pourrait s’annoncer…
Dans un marché désormais éclaté, tous les prix et toutes les qualités sont possibles, il n’y a plus de repères. C’est “l’ère du low-cost”.
Le Digital, un travail de fond non-palpable
Cette diversification suscite en outre l’incompréhension des prospects qui ne comprennent pas les différences de prix entre un prestataire et un autre.
Seul le marché de la publicité échappe à ce phénomène d’incompréhension car les entreprises communiquent grâce à leur travail. On voit donc littéralement ce qu’elles sont capable de faire.
Quand il s’agit de travailler sur internet, c’est différent. La partie visible, ce n’est que la partie design. La stratégie, l’optimisation technique, la maîtrise de tous les paramètres pour assurer l’efficacité des outils ne se voit pas. Il est en outre traditionnellement compliqué en France de percer le marché du conseil, “non palpable”, quand bien même c’est ce qui ne se voit pas qui donne du résultat.
Ainsi, dans le cas de LEXAN, le choix du positionnement Expert est certes différenciant sur la marque mais pas forcément sur la création de valeur en soi. La valeur ajoutée est en effet souvent perçue comme un “dû” intrinsèque à la prestation de service.
En 2014, “on était dans une phase d’évangélisation en France concernant le digital. Rapidement, le mot a été utilisé “à toutes les sauces”, ce qui a eu pour seul résultat de diluer chaque nouvel argumentaire dans la masse et de faire perdre son sens et sa pertinence au “digital”.
Aujourd’hui, la plupart des acteurs de la communication et du marketing prétendent être des experts du digital, mais combien le sont-ils vraiment ? Comment demander à un prospect dont ce n’est pas le métier de faire la différence ? Et en corrélation, le client est souvent “votre principal concurrent”, avec une remise en question quasi systématique de la compétence puisque “Internet, c’est facile”.
De là, les difficultés de compréhension entraînent des difficultés de fidélisation, dans un contexte où la volatilité de la clientèle semble être devenu la règle pour les prestataires de services.
L’utilisation de « Digital » à toutes les sauces a eu pour seul résultat de diluer chaque nouvel argumentaire dans la masse et de faire perdre son sens et sa pertinence au “digital”
Une phase de transition, entre un ancien et un nouveau modèle
“L’étude récente réalisée conjointement par Facebook et Deloitte sur les professionnels du marketing à travers le monde a mis en évidence une fracture, ou du moins un écart, entre là où les équipes marketing pensent devoir être pour survivre et réussir dans un paysage digital en pleine mutation, et là où leur panel de compétences actuelles et leur organisation managériale se trouve aujourd’hui. Pour rester compétitif, les professionnels du marketing doivent passer de “faisant” du digital (“doing” digital) au “vivre” digital (“being” digital).
Ils devront répercuter cette ligne directrice du digital dans leurs business model, style de management et parcours d’achat client.” (4)
Il est plus que nécessaire aujourd’hui pour les agences de communication de redéfinir leur business model (5), dans un “nouveau monde” de la communication à tous les prix; et surtout où, même chez les grands comptes, il semblerait que le prix passe souvent avant la qualité, le résultat, la performance.
(1) Jalis, Linkeo, Geolid…
(2) “Un monde du travail en pleine mutation”, Bordeaux Business, Focus économique, 20 novembre 2016, consulté à : https://www.bordeaux.business/focus-un-monde-du-travail-en-pleine-mutation/
(3) “Le Groupe CARTÉGIE acquiert La Compagnie Hyperactive”, communiqué de presse Cartégie Groupe et La Compagnie Hyperactive, 1er décembre 2017, consultable à : https://www.activecreative-data.com/LCH_cartegie_LP_comDePresse.pdf
(4) “Facebook and Deloitte’s recent study of marketing professionals worldwide has highlighted a significant gap in where marketing organizations believe they need to be in order to succeed in a changing digital landscape and where their existing skillset and leadership lie today. To remain competitive, marketing organizations will need to shift from “doing” digital to “being” digital. They will need to weave this digital thread into business, operating, and customer models.” Etude “Facebook + Deloitte marketing organizations study : rewiring marketing organizations for digital”, Deloitte, Facebook, mai 2017, consultée à l’adresse https://cmo.deloitte.com/xc/en/pages/articles/facebook-deloitte-digital-marketing-organizations-study.html
(5) “Monter le business plan d’une agence de communication”, The Business Plan Shop, consulté à : https://www.thebusinessplanshop.com/fr/blog/business-plan-agence-de-communication